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Vigilance météo
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Novembre 1973 : un enneigement exceptionnel ?

Niveau : initié

Introduction

1973 est surtout resté dans les mémoires en raison de la crise pétrolière et des dimanches sans voitures, dont le premier a été décrété le 18 novembre. Ce jour-là, personne ne savait encore qu’une dizaine de jours plus tard, le pays presque tout entier allait crouler sous la neige.

En effet, dès le 26, nos régions furent soumises à des courants polaires directs extrêmement froids, qui circulaient sur une Mer du Nord dont les eaux étaient encore à 10°C environ. Avec des températures de l’air de l’ordre de –8°C vers 1400 mètres d’altitude (niveau 850 hPa), l’air situé juste au-dessus de la mer ne pouvait pas être plus chaud que 5 ou 6°C. Ce contraste entre l’air et l’eau a généré beaucoup de turbulence, et des gradients proches de l’instabilité absolue jusqu’à des altitudes de 2000 mètres parfois. Il en a résulté aussi des vents très forts de nord-ouest, soufflant en tempête au littoral les 26, 27 et 29 novembre.

Pourtant, de telles conditions d’instabilité idéale ne génèrent pas toujours un nombre incroyable d’averses. Même si de nombreux cumulus ont bourgeonné au-dessus de la mer, se transformant régulièrement en cumulonimbus accompagnés d’averses de pluie, de neige ou de grésil, rien d’exceptionnel n’a pu être signalé le long de la côte, ni au large.

Le vrai moteur des averses, cette fois-ci, ne s’est enclenché qu’à quelques dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres, grâce à un ralentissement et une déviation du courant atmosphérique dans les basses couches en raison du frottement. Ceci a été la cause de discontinuités, formant de petites zones de convergence qui étaient autant de « triggers » pour l’enclenchement d’une forte convection. De plus, l’air légèrement plus froid à l’intérieur des terres a permis aux averses de tomber entièrement sous forme de neige, et le faible dégel subsistant en journée entre les averses ne laissait pas le temps à la couverture neigeuse de fondre de façon significative.

L’épisode neigeux de 1973 peut donc, sans conteste, être qualifié de majeur, pour ne pas dire d’exceptionnel en de très nombreuses régions. À Uccle, les 34 cm relevés le 28 novembre au soir égalent le record des 29 et 30 novembre 1925. Dans l’absolu (tous mois confondus) seul le 11 février 1902 au soir, la couche de neige était encore (un rien) plus épaisse, avec 35 cm.


Rixensart sous une importante couche de neige en novembre 1925.
Comme en novembre 1973, la hauteur mesurée à Uccle a atteint les 34 cm, le record pour cette station.
Source  : http://retro-rixensart.skynetblogs.be, A Delbrassine

En Ardenne, la couche de neige a atteint 81 cm le 28 au signal de Botrange, ce qui constitue probablement l’enneigement le plus important jamais observé dans les Hautes Fagnes durant un mois de novembre. En février et en mars cependant, le mètre de neige y a déjà été dépassé à plusieurs reprises, avec 115 cm au Signal de Botrange le 9 février 1953, et 105 cm, respectivement, au signal de Botrange le 11 février 1952, à Mont-Rigi le 5 mars 1988 et au Centre Nature de Botrange le 8 mars 1988. Officieusement, on parle même de 130 cm dans les Hautes Fagnes le 19 février 1969.

Voyons maintenant, au jour le jour, comment s’est déroulée cette mémorable offensive neigeuse de 1973.

Analyse de la situation au jour le jour

21 novembre 1973

Le 21 du mois, pas plus que le 18, le premier dimanche sans voitures, rien n’annonce encore la venue de la neige. Que du contraire. Un anticyclone sur l’Allemagne, soutenu par une belle crête en altitude, nous vaut un temps beau et doux pour la saison, avec de rares cirrus et, temporairement, du brouillard local en matinée. Le vent souffle de sud-est et les températures maximales se situent entre 7 et 9°C en Basse et Moyenne Belgique, et entre 5 et 7°C en Haute Belgique, après une nuit qui a connu quelques petites gelées.

En altitude, on observait vers midi une inversion de subsidence vers 1500 mètres, avec des températures passant de 1°C à 1000 mètres et 4°C à 1500 mètres. Le niveau de cette inversion baisse peu à peu au fil des heures, tandis que l’air s’échauffe en altitude.


 22 novembre 1973

Le déplacement de l’anticyclone vers le sud-est de l’Europe est responsable d’une arrivée massive d’air chaud qui, toutefois, ne parviendra pas à s’imposer tout à fait dans les basses couches en raison d’une inversion persistante. Une profonde dépression s’est creusée entre-temps sur le milieu de la Norvège, mais n’a encore aucune influence sur la météo de nos régions.

En effet, le temps est encore beau malgré un ciel plus voilé, avec des cirrus, quelques cirrostratus et des cirrocumulus isolés. On y voit aussi des altocumulus, dont un petit nombre sont des espèces lenticularis et floccus, ainsi que des stratocumulus à base élevée.

Les températures maximales en Basse et Moyenne Belgique, avec des valeurs comprises entre 7 à 9°C, sont similaires à celles de la veille. Sur les hauts plateaux de l’est, par contre, le thermomètre affiche 10 voire 11°C.

Le sondage d’Uccle de midi révèle également l’existence de cette couche d’air chaud, avec une température de 10°C entre 600 et 1100 mètres. La nuit d’après, il fera même 12°C à 700 mètres.


23 novembre 1973

La formation d’une nouvelle cellule anticyclonique au sud-ouest de l’Irlande, et sa fusion avec l’anticyclone au sud-est de l’Europe, place notre pays sous l’influence de courants maritimes plus humides sous l’égide d’un vent de sud-ouest. En altitude, un courant d’ouest-nord-ouest se met petit à petit en place, sans grande influence, encore, sur le temps de nos régions. Une dépression sur la Finlande prend pendant ce temps des allures de monstre. Mais là non plus, nous ne ressentons encore aucune conséquence.

Le temps restera donc plutôt calme sur nos régions, mais très désagréable avec des brouillards et des stratus très persistants, distillant de temps à autres de petites bruines. Seul le littoral en sera quelque peu épargné, grâce à un vent plus fort, mais le ciel y restera couvert de stratocumulus. Les températures maximales se situeront entre 9 et 10°C au littoral et sur l’ouest du pays, et autours de 4°C en Haute Belgique et entre 7 et 8°C ailleurs.

Le sondage d’Uccle de midi mettra en évidence une épaisse couche d’air humide, avec une faible décroissance au-dessus du sol, puis une inversion de 700 à 1200 mètres.         


24 novembre 1973

Un très puissant courant d’altitude, d’ouest-nord-ouest, se décale lentement vers le sud pour s’approcher de plus en plus de notre pays. Il est commandé par une crête en formation sur l’Atlantique et la persistance d’un gigantesque creux sur la Scandinavie, matérialisé au sol par une profonde dépression quasi-stationnaire.

Notre pays, encore sous influence anticyclonique en matinée, voit le gradient barométrique augmenter également dans les basses couches, avec des vents devenant forts au littoral l’après-midi et le soir, atteignant même temporairement la force de tempête.
Le temps est particulièrement désagréable en ce jour, surtout à l’intérieur du pays où, malgré un vent se renforçant, le brouillard d’advection a beaucoup de mal à se dissiper, avec des stratus bas très persistants. Les températures, en journée, restent coincées entre 6 et 7°C avant de s’élever en soirée jusqu’à 10°C. À ce moment, les stratus se transformeront en stratocumulus avec un peu de pluie.

Au littoral, en raison du vent très fort, l’évolution des stratus en stratocumulus se fait plus rapidement avec, là, des températures de 10 à 11°C tout au long de la journée. En mer, la température monte même jusqu’à 12°C.

Cette masse d’air doux refroidie par le bas sur le continent est bien mise en évidence par le sondage d’Uccle de midi. Celui de minuit, par contre, révèle le passage d’un front froid masqué (dans l’air froid à l’arrière du front, les toutes basses couches sont plus chaudes que dans la masse d’air qui a précédé).


25 novembre 1973

Il s’agit d’une journée de transition, où nous passons progressivement vers le côté froid de la circulation atmosphérique. La nuit, les températures atteignaient encore 8°C au centre du pays, pour tomber à 4°C le matin et timidement remonter vers 7°C l’après-midi. Le vent de nord-ouest reste fort au littoral, mais faiblit à l’intérieur des terres, en s’orientant à l’ouest, voire au sud-ouest.

Somme toutes, le temps est encore assez calme, avec des stratocumulus et des cumulus en quantités variables, ainsi que des altocumulus, des cirrus et des cirrostratus. Quelques belles éclaircies sont observées en début d’après-midi.

La température en altitude a déjà fort baissé entre-temps, avec des valeurs de –5°C seulement à midi à 1460 mètres (niveau 850 hPa).
 

26 novembre 1973

La neige est  ! Ce n’est encore qu’une fine couche, mais la neige est là ! Et il continue à neiger ! Dommage qu’il ne gèle pas encore vraiment, et que le sol soit encore trop chaud pour que la neige puisse tenir valablement !

La dépression sur l’est de la Scandinavie s’est encore creusée, tant en surface qu’en altitude, et s’est décalée vers le nord-ouest de la Russie. Au même moment, la crête s’est amplifiée sur l’océan, pour remonter jusqu’à l’Islande et le sud du Groenland. Entre les deux, les courants polaires directs ont dorénavant bel et bien atteint nos régions, avec des températures au niveau 850 hPa (1460 mètres d’altitude) de –7°C, et de –18°C au niveau 700 hPa (2950 mètres). Au niveau 500 hPa (5360 mètres), on frise déjà les –40°C.

Il n’est donc pas étonnant qu’on assiste à une alternance de cumulonimbus accompagnés d’averses de neige et de timides éclaircies, avec cumulus, stratocumulus et nuages fractus de mauvais temps (rendant d’ailleurs les cumulonimbus invisibles de loin). De temps en temps, l’on peut entrevoir aussi des cirrus et des altocumulus (parfois cumulogenitus).

De l’activité orageuse a été observée à Zaventem en fin d’après-midi. Un « orage de neige » en quelque sorte.

Au littoral, les averses (de pluie et de neige) sont moins fréquentes. On note principalement un nombre important de cumulus, et quelques stratocumulus.

Le vent de nord-ouest, en contrepartie, y est particulièrement fort (tempête) tout au long de la journée. À l’intérieur, il est nettement plus faible, quoiqu’irrégulier, et souffle plutôt d’ouest. Les températures maximales, quant à elles, se situent entre 4 et 5°C à l’ouest du pays, et entre 1 et 3°C au centre, les gelées permanentes se cantonnant aux hauteurs ardennaises.

 27 novembre 1973

Il a neigé très fort la nuit. Cette fois-ci, c'est la bonne ! Tout est blanc ! On observe déjà 9 cm le matin à Uccle ! Le total des précipitations, entre 19 heures la veille et 7 heures ce matin s’élève à 16 mm. Et ça continue ! Les averses de neige se succèdent les unes après les autres, gros cumulonimbus cachés, dans les intervalles, par nuages fractus de mauvais temps, ainsi que des stratocumulus doublés de cumulus. Quelques rares éclaircies, 25 minutes de soleil à Uccle. Et quand il neige, c’est tellement fort que la visibilité se réduit comme par temps de brouillard. Et parfois, on devine aussi le soleil derrière un rideau de neige. La température, alors, grappille quelques degrés et dépasse le 0°C. Mais pas longtemps. La neige n'a absolument pas le temps de fondre. Le soir, la couche attendra 23 cm !

À Zaventem, on notera même pas mal d’activité orageuse l’après-midi et le soir. Ce sera le cas aussi à Anvers, où un orage a été signalé le matin aussi. De façon plus isolée, des manifestations orageuses ont été également signalées à Sinsin (province de Namur).
 La dépression, toujours située sur le nord-ouest de la Russie (URSS à l'époque) et sur l’extrême est de la Finlande, associé à un long anticyclone du Groenland au Golfe de Gascogne, se scindant en deux, continue à nous envoyer des courants polaires de la plus pure espèce. Voyez les températures en altitude à midi : -9°C au niveau 850 hPa (1480 mètres), -20°C au niveau 700 hPa (2950 mètres) et –40°C au niveau 500 hPa (5350 mètres). C’est très rare, à ce dernier niveau, d’enregistrer des températures aussi basses, surtout au mois de novembre.

En outre, vers 10000 mètres, on observe un fort jet-stream de nord-nord-ouest, de 109 nœuds.

Au littoral par contre, il ne gèle toujours pas, avec 2°C la nuit et 4°C le jour à Middelkerke. Et il n’y a même pas d’averses ! Juste une quantité variable de cumulus, et une très bonne visibilité. La tempête de nord-ouest n’y est pas étrangère. Celle-ci ne faiblira qu’en soirée, alors que des stratocumulus s’ajouteront aux cumulus.

En mer, le vent souffle tout aussi fort, mais la nébulosité est plus faible encore, avec des températures oscillant entre 3 et 5°C. Sur les plateaux ardennais, en contrepartie, il ne dégèle plus depuis deux jours.


28 novembre 1973

Une nouvelle fois, il a beaucoup neigé la nuit (et du tonnerre a été entendu à Anvers). À Uccle, la couche atteint maintenant 33 cm ! Puis, lors de faibles averses en matinée, la couche augmentera encore d'un centimètre pour égaler le record de 1925. Ailleurs dans le pays, la situation est non moins exceptionnelle. On note 40 cm à Beauvechain et Gembloux, et 81 cm à Botrange ! Seule la côte est toujours privée de neige. Là, il faudra attendre la nuit pour observer, très temporairement, un peu de neige.

La dépression, située entre la Finlande et le nord-ouest de la Russie, ne bouge toujours pas de façon significative, et reste très marquée, surtout en altitude. La partie sud de l’anticyclone scindé s’affaisse quelque peu vers l’Espagne et le Portugal, tandis qu’un creux, associé à la dépression précitée, finit par former deux noyaux secondaires dont l’un passera tout juste au sud-ouest par rapport à notre pays.

Il s’ensuit une rotation du vent en soirée et la nuit suivante, qui s’orientera au sud-ouest et au sud, localement même au sud-est puis au nord-est, avant de revenir au nord puis au nord-ouest. Ceci aura une conséquence, comme nous verrons, sur le temps au littoral.
Mais décrivons d’abord le temps au centre du pays. Là, après quelques averses de neige résiduelles, le temps devient sec avec quelques éclaircies, une quantité variable de cumulus et de stratocumulus, ainsi que quelques bancs d’altocumulus, et des cirrus. Le soir, les éclaircies deviennent temporairement plus nombreuses, avant l’arrivée de nouvelles chutes de neige.
Il a fait plus froid, avec des maxima ne dépassant guère 1°C.

Au littoral, le vent souffle d’abord de nord-ouest en faiblissant, puis s’oriente graduellement au sud-ouest. Dans un premier temps, c’est toujours l’absence de gel, avec une nébulosité variable de cumulus formés en mer, et quelques stratocumulus dont certains sont cumulogenitus.

Le soir pourtant, alors que le vent vient de plus en plus du secteur sud, le froid finit par gagner le littoral, avec du gel et de faibles chutes de neige. Mais en deuxième partie de nuit déjà (donc le lendemain), le vent tourne au sud-est, puis au nord-est et au nord, et l’air maritime revient jusqu’à la côte, avec comme conséquence un dégel immédiat.

En altitude, l’air reste très froid dans les moyennes couches, avec –9°C au niveau 850 hPa (1490 mètres) et –18°C au niveau 700 hPa (2970 mètres). Mais dans les plus hautes couches, l’air est devenu sensiblement moins froid, tandis qu’apparaît, vers 10300 mètres, un jet-stream de nord particulièrement puissant, de l’ordre de 134 nœuds. La nuit suivante, ce réchauffement se transmettra même temporairement aux moyennes couches.


29 novembre 1973

En dépit de nouvelles chutes de neige, l'épaisse couche au sol s'est quelque peu tassée la nuit, avec 29 cm au matin. Jusqu’au soir, elle diminuera encore quelque peu, pour arriver à 27 cm.

Il s’agit d’une très belle journée d’hiver, en dépit des stratocumulus en matinée, donnant encore un peu de neige. Mais l’après-midi, il fait franchement beau et presque doux, avec 4°C, du soleil et un tapis de neige épais et intact. Quelques cumulus aussi, ainsi que des bancs de stratocumulus et d’altocumulus, qui n’enlèvent rien au plaisir.

Le soir, le ciel se dégage tout à fait et il fait rapidement très froid, avec –3 à –4°C vers minuit. Aux endroits exposés, le thermomètre descend même jusqu’à –6°C.

Les températures un peu moins froides dans les moyennes couches, et beaucoup moins froides dans les hautes couches expliquent cette amélioration du temps. Au littoral par contre, des cumulonimbus isolés se sont formés tout au long de la journée, avec quelques faibles averses et un vent à nouveau très fort (atteignant même le stade de tempête).

Le patron atmosphérique général, après l’évacuation de la petite dépression qui était passée au sud-ouest de notre pays, est redevenu à peu près ce qu’il était avant.


30 novembre 1973

La situation atmosphérique, surtout en altitude, reste très favorable à la poursuite des courants polaires sur nos régions. En plus, on a observé, la nuit précédente, un jet-stream de nord-nord-ouest extrêmement puissant, avec une vitesse de 143 nœuds à 10450 mètres d’altitude.
Le matin, le ciel est à nouveau très nuageux, avec quelques chutes de neige, voire des averses. En matinée, on observe une quantité variable de stratocumulus, parfois accompagnés de cumulus, et surmontés de nombreux altocumulus. L’après-midi, on observe des éclaircies, avec cumulus, stratocumulus, altocumulus et cirrus. Le soir, des averses de neige se reforment.

Malgré tout, la couche de neige continue à diminuer lentement, passant de 26 cm le matin à 24 cm le soir.

Le vent, quant à lui, souffle principalement d’ouest à sud-ouest à l’intérieur des terre, parfois encore de manière assez forte. Au littoral, le vent est plus fort encore et souffle de nord-ouest. Là, toujours pas d’espoir de neige digne de ce nom. La température reste obstinément positive et les quelques averses qui tombent sont sous forme de pluie. Sinon, le temps est plutôt beau, avec des cumulus dont quelques uns, seulement, se transforment en cumulonimbus. En dehors de cela, on note encore quelques cirrus.


1er décembre 1973

Les températures en altitude redescendent à nouveau très fort, avec –10°C au niveau 850 hPa (1430 mètres) et –18°C au niveau 700 hPa (2910 mètres). Mais l’air est plus sec, le vent devient variable et les averses se font plus rares. En contrepartie, il fait brumeux, avec un ciel tout à fait serein en matinée, et davantage de nuages l’après-midi, des altocumulus et des stratocumulus, et des cumulus qui parviennent à se développer encore pour donner de petites averses de neige en soirée. La nuit précédente, on avait déjà observé des chutes de neige, de telle manière que la couche de neige, à Uccle, est revenue à 25 cm.

À Botrange, la couche atteint toujours 81 cm, ce qui est très rare en décembre. Comme déjà mentionné plus haut, les plus hautes couches neigeuses ardennaises ont surtout été mesurées dans la deuxième partie de l’hiver.

Les températures sont beaucoup plus froides aussi au plancher des vaches. À l’exception d’une mince bande littorale, les températures maximales ne dépassent plus nulle part les 0°C, avec des valeurs de –1 à –4°C au centre du pays, et de l’ordre de –6°C en Ardenne. Au littoral, il fait encore temporairement 1 à 2°C en soirée.

La matinée a été particulièrement froide dans les éclaircies, avec –9°C à 10 heures à Zaventem. À Brustem, où le minimum a été de –15°C, il faisait encore –14°C à 10 heures, sous un épais brouillard givrant. Le même type de brouillard givrant a valu –7°C à Middelkerke tandis qu’à quelques centaines de mètres de la côte, au bout de l’estacade d’Ostende, la température était de –1°C en l’absence de brouillard. Plus loin encore au large, ni gel, ni brouillard, mais une visibilité particulièrement bonne au-dessus d’une eau encore à 9°C

Le patron atmosphérique, en altitude, maintient un important creux au-dessus de la Scandinavie et de l’Europe de l’Est, et une crête tout aussi importante sur l’Océan, s’étendant jusqu’à l’Islande. Un autre creux, situé entre le Canada et le Groenland, en fait clairement une situation de blocage Oméga. Mais cet Oméga présente des signes de faiblesse.

Au sol, la situation barique est quelque peu confuse à l’ouest de deux dépressions situées à l’est et au nord-est de l’Europe. Mais dès la nuit, un anticyclone maritime se développera clairement en direction de nos régions.
 

2 décembre 1973

La venue de l’anticyclone fait stagner l’air polaire sur nos régions, avec comme conséquence un très important refroidissement nocturne. Il fait glacial ! Le vent s’est calmé, du brouillard s’est formé en de nombreux endroits et la température à Uccle est descendue jusqu'à -9°C le matin. Ailleurs, la température est descendue plus bas encore, en-dessous de –10°C en de nombreux endroits, même à Middelkerke où une valeur de –11°C a été enregistrée.

Ce froid n’ira pas très loin en mer. Déjà Ostende, au bout de l’estacade du port, n’est descendue plus qu’à –4°C. À 50 km au large, plus le moindre gel, avec 2°C comme température la plus basse (toujours au-dessus d’une eau à 9°C), le tout avec une visibilité excellente.

Sur le territoire belge, par contre, le brouillard a été fort répandu, avec des situations très variables d’un endroit à l’autre. À Zaventem, par exemple, le brouillard ne se dissipera à aucun moment de la journée, avec en plus constamment 8 octas de stratus très bas.

À Uccle, le soleil parviendra à se montrer 35 minutes lors d’une dissipation partielle du brouillard, et l’éclaircie sera même suffisante pour laisser apparaître des cirrus.

À Charleroi, le temps sera même beau en après-midi, avec 3 heures 40 de soleil, quelques cirrus et de rares cumulus fractus. Là, la température maximale montera à –3°C, tandis qu’elle restera coincée à –6, voire –7°C en région bruxelloise.

Le sondage d’Uccle montre bien l’inversion sous laquelle s’est formée le brouillard. Mais cela n’empêche pas la masse d’air d’être très froid, même au-dessus de l’inversion. Au plus chaud, il fait –4°C à 380 mètres d’altitude. Au niveau 850 hPa (1420 mètres), il fait –11°C, et –20°C au niveau 700 hPa (2990 mètres).

La nuit d’après, le brouillard se dissipe quelque peu en de nombreux endroits, et sous un ciel (presque) serein et au-dessus de l’épaisse couverture de neige (26 cm à Uccle et 81 cm à Botrange), le froid devient rapidement extrême. À 22 heures, on note déjà –10°C à Zaventem, -13°C à Spa et à Botrange, et –14°C à Sinsin. Plus tard dans la nuit, les températures remonteront à nouveau avec l’arrivée de nuages, non sans avoir donné auparavant quelques minima tout à fait extrêmes, comme –16°C à Brustem et à Virton, -18°C à Sinsin et –22°C à Rochefort. Pour certains de ces endroits, c’étaient sûrement les températures les plus froides, pour la première décade de décembre, depuis… 1879 !

Malgré tout, l’hiver est sur le point de mourir. Le creux à l’est et au nord-est de l’Europe est en train de s’étioler tandis que la crête à l’ouest s’avance de plus en plus vers nos régions, avec une arrivée massive d’air doux maritime.
 

3 décembre 1973

La température en altitude remonte très rapidement, avec déjà 0°C vers 660 mètres à midi. Mais dans les basses couches, le froid résistera encore un peu, et se livrera son dernier combat.

Au centre du pays, les températures resteront négatives jusque dans l’après-midi, sous des stratus, stratocumulus et nuages fractus de mauvais temps, et encore quelques chutes de neige. En cours d’après-midi, la neige se transformera en bruine, localement verglaçante, tandis que les températures atteindront 1°C. Plus tard en soirée, elles monteront encore un peu. Sous un vent fort de sud-ouest, l’impression de froid persistera pourtant.

La couche de neige, encore intacte, comporte 24 cm à Uccle et toujours 81 cm à Botrange. Mais cela ne durera plus.

À la côte, sous la pluie, la bruine et les stratus fractus, le dégel intervient encore plus rapidement, avec des températures montant jusqu’à 7°C en fin de soirée. Au large, cette température atteindra même 9°C.

En Ardenne, le froid tiendra un peu plus longtemps, mais devra également s’avouer vaincu devant le dégel.

En effet, le creux responsable de cette si belle offensive hivernale est moribond. À l’ouest, plus rien d’hivernal sur les cartes météorologiques. Une dépression entre l’Islande et la Norvège, associée à un anticyclone au sud-ouest de l’Irlande nous amèneront une circulation désormais (presque) parfaitement zonale.

4 décembre 1973

Et voilà que l’épisode hivernal se termine pour de bon, lamentablement, comme si souvent chez nous et ce, avant toutes les festivités de décembre, Saint-Nicolas, Noël et Nouvel An. Le ciel est désespérément couvert de nimbostratus, avec pluie et bruine. Le dégel sera complet et la neige, encore belle le matin (17 cm à Uccle), se met à fondre rapidement. Sur certaines pelouses, elle est néanmoins assez coriace. Le soir, on notera 12 cm.

Très temporairement, une nouvelle et profonde dépression se formant sur la Scandinavie fera renaître l’espoir. Mais l'anticyclone atlantique restera cette fois-ci au sud-ouest de l'Irlande, et l’hiver ne reviendra plus.

Les derniers restes de neige, par ailleurs, disparaîtront partout dans le pays le 7 décembre.

Conclusion

Même si la suite de l’hiver, c’est-à-dire l’essentiel de l’hiver 1973-1974, a été doux et dépourvu de chutes de neige significatives en plaine, il n'en reste pas moins que l’épisode neigeux de novembre et décembre garde à tout point de vue son caractère exceptionnel et mémorable. Passons maintenant à la question que de nombreuses personnes se posent : est-ce encore possible aujourd’hui, malgré le réchauffement climatique ?

Oui. Des événements récents l’attestent. Une invasion d’air polaire direct au début du mois de décembre 1998, avec une couche de 20 cm à Uccle les 6 et 7, et des températures similaires à celles de 1973, en est la preuve. Si la situation atmosphérique avait perduré un peu plus longtemps, cela aurait pu être une réédition de 1973.


Le dernier Saint Nicolas blanc dans le centre du pays : c'était en 1998, comme ici à Jezus-Eik
dans le Brabant Flamand, à quelques dizaines de kilomètres de la capitale.
Photo : Michaël Baillie

En 2005 par contre, la situation a été différente. Une goutte froide en altitude, située quasi pile sur nos régions, a provoqué des chutes de neige donnant une couche de 21 cm à Uccle le matin du 26 novembre. Sur les cartes au sol, on peut voir une dépression sur le nord des Pays-Bas, autour de laquelle s’est littéralement enroulée une occlusion. Celle-ci a été responsable des importantes chutes de neige de la nuit précédente, provenant d’un nimbostratus avec cumulonimbus enclavés, donnant même de l’orage. Avec l’intensité des précipitations, la température s’est maintenue un long moment à des valeurs proches de 0°C au centre du pays. Mais par après, en raison de l’absence d’un apport d’air froid significatif, les températures dans l’air humide stagnant sur nos régions ont rapidement repris des valeurs positives, de 1 à 2°C dans un premier temps, puis de 3 à 4°C le lendemain. De ce fait, l’épisode neigeux a été de courte durée.

 


Un des derniers épisodes neigeux majeurs en novembre date du 25-26 novembre 2005.
Au matin du 26, ce sont 21 cm qui seront mesurés à Uccle. La neige ne persitera pas longtemps au sol.
Forest, en matinée du 27 novembre, une grande quantité de neige est déjà fondue.
Photo : Robert Vilmos


Mais là encore, une situation atmosphérique un rien différente aurait pu produire un enneigement mémorable

 

Sources

IRM
- Bulletins mensuels climatologiques
- Bulletins mensuels synoptiques
- Sondages d’Uccle réalisés par ballon sonde
KNMI
- Données météorologique de la station marine de Noord Hinder
Wetterzentrale
- NCEP Reanalysis

 

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