Tornade EF0 du 4 septembre 2009 à Wihéries

Niveau : initié

Dans l’après midi du 4 septembre 2009, une tornade est apparue dans le ciel Montois, aux environs de Dour. Sous les yeux médusés de plusieurs témoins, cette tornade est parvenue à toucher le sol sur le petit village de Wihéries...

La tornade EF0 prise dans la région de Wihéries, ce 4 septembre 2009.
Photo : Dominique Glaude.
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Introduction

Durant l’après midi du vendredi 4 septembre, une tornade a fait son apparition dans les environs du petit village de Wihéries, près de Dour (Province du Hainaut)
Heureusement, elle n’a fait aucune victime et les dégâts matériels sont limités.

Selon toute vraisemblance, cette tornade était de force EF0 sur la nouvelle échelle de Fujita (appelée aussi échelle de Fujita améliorée qui est employée de façon opérationnelle depuis le 1er février 2007) qui compte six niveaux d’intensité (EF0 à EF5).
En Belgique, la plupart des tornades qui touchent notre pays sont du niveau EF0. (Voir notre FAQ : Echelle de Fujita).

Le niveau EF0 est donc le premier niveau de l'échelle de Fujita améliorée : cela correspond à des vents estimés selon les dégâts observés entre 105 et 137 km/h. Les dégats observés pour ce premier échelon de l'echelle sont :

Quelques morceaux de recouvrement de toit enlevés, comme les tuiles, dommages aux gouttières, cheminées et revêtements de façade, branches cassées, arbres à racines de surface renversés.

Mais dans le passé, d’autres tornades ont atteint une intensité bien plus élevée.
Tout le monde a en mémoire la terrible tornade qui a frappé le petit village de Léglise un soir de septembre 1982. Cette tornade avait atteint le niveau EF3.
De même, la tornade qui avait ravagé le village d’Oostmalle le 25 juin 1967 était également une tornade de niveau EF3.
Il y a un peu plus d'un an, le 3 août 2008, le village d'Hautmont en France, à quelques kilomètres de notre frontière, avait été durement touché par une tornade : il s'agissait là vraisemblablement d'une EF4.

On compte en moyenne 3 à 6 tornades par an en Belgique. Mais ce chiffre peut être sous estimé. En effet, la plupart des tornades passent totalement inaperçues, du fait qu’elles ont lieu parfois le soir ou la nuit et qu’elles touchent en général des zones peu habitées.

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Prévisions

De nos jours, la prévision des tornades reste impossible, au vu des connaissances limitées que nous avons de ces phénomènes. Néanmoins, en fonction de certains paramètres prévus par les modèles météo, nous avons la possibilité de prédire un risque.

Mais en Belgique, aucun site ne pratique encore ce genre de prévision.
Heureusement, il existe dans d’autres pays des sites spécialisés dans la prévision des phénomènes orageux tels que Estofex ou Keraunos.
Et le site allemand Estofex avait mentionné dès la soirée du 3, un faible risque de tornade pour la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et certaines parties de l’ouest de l’Allemagne.
Il faut tout de même souligner que les modèles météo avaient quelque peu de difficultés à bien cerner la situation et notamment, la position de la goutte froide d’altitude.
Voici ce que prévoyait le modèle météo GFS , au run de midi, et ce pour 17 heures (source Meteociel) :

a. Cape Et Lib. Anomalie de tropopause
c. V W d. Températures à 500 hpa

Les cartes ci-dessus indiquaient bel et bien un risque orageux pour cette fin d’après- midi, mais sans pour autant être élevé.


e. Les cisaillements des vents (Source : Ligthning Wizards)

On peut constater que des cisaillements des vents, que ce soit à basse ou à moyenne altitude, étaient prévus pour l’après-midi et le début de soirée.


En conclusion, au vu des éléments prévus par les modèles, nous pouvions nous attendre à un développement d’orages localisés, accompagnés d’un faible risque tornadique (ce qui veut également dire une intensité faible), surtout pour le sud du pays.
Mais ce genre de situation n’est pas systématiquement propice au développement des tornades.
Il aura surtout fallu un concours de circonstances assez rare à un endroit et à un moment donné.
Et ce fut le cas à Wihéries en ce vendredi 4 septembre aux environs de 16 heures.

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Situation atmosphérique pour ce vendredi 4 septembre

Analyse d’altitude

En cette journée, notre pays est soumis au passage d’une goutte froide d’altitude pilotée par un talweg.
Cette goutte froide a permis la déstabilisation de la masse d’air.


Carte de température à 500 hpa
Source : Wetter3.de

Carte de température à 850 hpa
Source : Wetter3.de

Sur la première carte, à l’altitude 500 hpa, on peut distinguer très nettement une zone verte sur l’ouest de notre pays et sur le Nord de la France. Elle indique la présence d’une masse d’air très froide en altitude (environ – 25 degrés) : Notre fameuse goutte froide !
Au même moment, sur la carte de droite, on remarque que la température est d’environ 4 degrés, et ce, à l’altitude 850 hpa.
Nous avons donc une différence de température de l’ordre de 28 à 30 degrés. Un tel écart était favorable au développement d’une forte instabilité de l’air
Mais par contre, le peu de potentiel disponible (Cape) , aux environs de 500 J/Kg, n’a pas été en faveur d’une généralisation du risque orageux.
Les quelques orages qui se sont donc développés ont donc été en général isolés et peu nombreux.

Analyse de surface

Voici les cartes d’analyses de surface pour ce 4 septembre à midi et à 18 heures montrant bien l’influence de la dépression principale située sur le Danemark nous envoyant des courants maritimes frais, perturbés et instables.

 


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Suivi de la situation

Un front froid traverse notre pays d’Ouest en Est en apportant localement de fortes précipitations.
A l’arrière immédiat de ce front s’installe une traîne particulièrement active permettant, par endroits, le développement de quelques orages.
La journée débute sous un ciel gris et humide. Dans le courant de l’après-midi, l’arrivée de la goutte froide déstabilise la masse d’air et des lignes d’averses traversent notre pays. Quelques orages commencent à se développer.
Au passage des lignes d’averses, on relève à plusieurs endroits une forte chute de température ; de l’ordre de 4 degrés en une heure.
Mais c’est dans le Hainaut que la situation va favorablement évoluer et un orage particulièrement bien développé aborde la région Montoise, tout près de la frontière française.


Source : IRM

Cet orage atteint son activité maximale aux environs de 16 heures et parvient à donner naissance à une tornade, probablement de type ‘’Landspout’’, au dessus de Wihéries.

Mais qu’est ce qu’un ‘’Landspout’’ ?
Un Landspout est une tornade non mésocyclonique, c'est-à-dire qu’elle n’est pas issue d’un nuage mur rotatif (mésocyclone).
Cela veut dire en clair que ce genre de tornade peut se développer sous tous les types d’orages, contrairement aux tornades mésocycloniques qui se développent la plupart du temps sous des orages supercellulaires (mais parfois également sous des orages multicellulaires).

Pour en revenir à ‘’notre’’ tornade, elle n’a, fort heureusement, provoqué que peu de dégâts !
De force EF0 sur la nouvelle échelle de Fujita, ce tourbillon a surtout concerné deux rues : la rue Basse et la rue Nacfer.
Concernant ces dégâts, seules quelques toitures ont été touchées et plusieurs arbres ont été arrachés.

Dégâts somme toute limtés, signature caractérisqtique d'une tornade EF0.
Photo : Joël Tricart.


Et voici la trajectoire supposée de la tornade dans l'entité de Wihéries réalisée par Joël Tricart :


Après être passée, au dessus de Wihéries, la tornade continuera sa route et sera encore observée dans les environs de Frameries, mais plutôt sous forme de tuba ne touchant plus le sol, où elle finira pas se dissiper.

 

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Photos de la tornade

Voici tout d’abord des photos prises par Mr Yves Honorez :

Photos : Yves Honorez.

 Une autre photo prise à Wihéries :

 


Photo : Christina Pavlou.

 

 
Ci-dessous, deux clichés montrant ce que l’on peut qualifier de ‘’fin de vie de la tornade’’, prise par Mr Cédric Manderlier dans les environs de Frameries:
Photos : Cédric Manderlier.

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Témoignages

(Témoignages recueillis par Mr Joël Tricart)

Ornela et sa maman Patricia :
‘’On venait juste de sortir de l'école et on a vu la tornade s'avancer sur nous. Nous étions dans la voiture, on a reçu des projectiles sur le pare-brise alors on s'est couchée dedans. Ca n'a pas duré longtemps, 30 secondes maximum mais ça fait très peur.’’

Monsieur Carbonelle a retrouvé ses bacs à fleurs ... sur la place du jeu de balle !
‘’Moi je n'ai rien eu à ma toiture, les tuiles sont justes un peu déboîtées. Par contre, mes bacs à fleurs qui étaient sur l'appui de fenêtre du haut se sont envolés jusqu'à la place du jeu de balle. C'est une voisine qui m'a dit les avoir vu là-bas. Ca fait au moins à 70m de chez moi. Et comme ma maison est en contrebas par rapport à la place, mes bacs ont du s'envoler à au moins 40m de hauteur !’’

Et enfin, Cristo de la supérette
‘’Je ne dirais pas que j'ai eu peur mais je dois bien avouer que j'étais très impressionné car même si j'avais vu des tornades, ce n'était qu'à la télévision, sourit le sympathique gérant. Notez qu'elle n'avait rien de commun avec les tornades comme on en voit aux États-Unis; elle était beaucoup plus petite. Un peu comme une colonne de fumée de cigarette qui s'évapore, aspirée par les nuages.’’

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Conclusions

Ce dossier a été réalisé pour permettre de regrouper un maximum d’informations sur ce cas tornadique et de reprendre globalement la situation météorologique de ce jour-là.
En tous cas, cette tornade aura eu le mérite d’attirer l’attention du public sur ce phénomène trop méconnu chez nous.

En effet, lorsque l’on évoque le mot ‘’tornade’’, la plupart des gens pensent aux États-Unis et n’imaginent pas qu’un tel phénomène puisse se produire chez nous.
Comme cité au début de ce dossier, elles ne sont pas non plus si rares que cela en Belgique, même si elles sont souvent moins violentes qu'aux États-Unis : on en dénombre plusieurs par an en Belgique et la plupart sont de type EF0 ou EF1.

En janvier et en février 2008, trois tornades de force EF1- EF2 avaient fait l’actualité belge en provoquant beaucoup de dégâts dans les communes flamandes de Grote Brogel, de Dendermonde et de Lier, cela pour dire également que les tornades n’apparaissent pas seulement qu’en été mais que de nombreux cas ont eu lieu également en hiver.

Quoi qu’il en soit, les tornades restent, à l’heure actuelle, le phénomène atmosphérique le plus difficile à prévoir et à étudier sur Terre.

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Remerciements

MeteoBelgique tient à remercier Monsieur Jean Yves Frique, auteur du dossier qui a servi à l'élaboration de cet article.

L'auteur et MeteoBelgique tiennent à remercier Monsieur Joël Tricart qui a gentiment autorisé à publier sa carte de trajectoire, la photo des dégâts, ainsi que les témoignages qu’il a pu recueillir. Monsieur Tricart a en outre prévenu MeteoBelgique du passage de la tornade dans les minutes qui ont suivi l'événement.

Les remerciements vont également à Messieurs Yves Honorez, Cédric Manderlier et Dominique Glaude pour la diffusion de leurs photos.