Vigilance météo
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Climat d'antan : Septembre 1895, extraordinaire pour l'époque

Préambule

Dans le cadre de notre rubrique « Le climat d'antan », nous allons réanalyser en détail des épisodes météorologiques anciens et remarquables, en essayant d'expliquer en détail les causes et conséquences de ces épisodes, à raison d'une analyse par mois.
Troisième volet de la série : septembre 1895, extraordinaire pour l’époque.
À noter que toutes les valeurs (température, insolation) et nomenclatures (nuages) sont – tant que faire se peut – homogénéisées ou converties, et donc comparables aux observations d’aujourd’hui.


Introduction

En septembre 1895, deux périodes de chaleur tout à fait hors normes touchent avant tout la France, mais font beaucoup parler d’elles en Belgique aussi. Ces deux périodes durent une semaine environ chacune et sont séparées par une période assez froide au milieu du mois de septembre, si bien que les températures moyennes du mois, quoique élevées, sont nettement moins spectaculaires.

Lors de la première période chaude, qui s’étend du 3 au 10 septembre, les températures frisent les 35°C à Paris et les dépassent à Auxerre. Dans le nord de la France, on relève encore 34°C à Charleville et 33°C à Beauvais. Chez nous en Belgique, les valeurs sont moins extrêmes mais varient encore entre 28 et 31°C en Basse et Moyenne Belgique. Dans les localités plus proches de la France, les températures sont plus élevées. C’est ainsi qu’on atteint 33°C à Ciergnon et 32°C à Virton.

La seconde période chaude, qui s’étend du 24 septembre au 1er octobre, connaît des températures de 31°C à Paris, de 30°C à Lille et de 28°C à Bruxelles et à Liège. À l’époque, on pulvérise tous les records pour une troisième décade de septembre, et le record des 28,1°C à Uccle, au moment où nous écrivons ces lignes, n’est toujours pas battu.

Mais comment mesurait-on la température en 1895 ?


Les méthodes de mesure de la température en 1895

En 1895, les thermomètres sans abri, accrochés au mur nord d’un bâtiment, étaient déjà largement abandonnés en Europe. En Belgique, les mesures sous abri avaient été introduites dès 1878, lors de la création du premier grand réseau de mesures météorologiques sur le territoire belge, sous l’égide d’Albert Lancaster et de Jean-Charles Houzeau. En France, l’abri avait été introduit plus tôt encore, et utilisé dès la mise en service de la station de l’Observatoire de Montsouris à Paris en 1872. Cependant, les abris étaient encore loin d’être standardisés à cette époque-là, ce qui fait que pas mal de données doivent d’abord être « homogénéisées » pour être comparables à celles d’aujourd’hui.

En gros, on peut affirmer que quatre principaux types d’abri ont été utilisés en Europe à la fin du 19e siècle, en l’occurrence l’abri anglais, l’abri français, l’abri suisse et l’abri néerlandais. À cela s’ajoute la méthode d’observation allemande, sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin.

L’abri anglais

L’abri anglais, ou abri Stevenson (Stevenson Screen) est celui qui a « gagné », si on peut le dire ainsi, puisqu’il a été choisi, bien plus tard, comme modèle standard par l’OMM pour tous les abris utilisés officiellement en météorologie. Ce n’est que récemment que d’autres abris, aux formes très différentes mais répondant aux mêmes critères de protection des instruments, ont commencé à remplacer les abris Stevenson.

En Belgique, l’abri Stevenson est aussi nommé « abri fermé ».

Ci-après, l’abri Stevenson des débuts. Seule la façon d’ouvrir cet abri pour lire les instruments a changé. Actuellement, on utilise des doubles persiennes, avant, l’abri était souvent équipé d’un panneau persienne qu’on ouvrait vers le bas. Pour le reste, les instruments étaient à la fois protégés du rayonnement et ventilés exactement comme aujourd’hui.


Abri Stevenson installé à Aix-la-Chapelle (Deutsches Meteorologisches Jahrbuch für 1895)

L’abri français

L’abri français ou l’abri du modèle « Montsouris » porte le nom de la station météorologique où il avait été installé pour la première fois : Paris-Montsouris, en l’occurrence le Parc Montsouris de Paris. Par la suite, cet abri s’est répandu à travers la France et n’a été remplacé que tardivement par l’abri standard Stevenson (à Paris en 1948).

Cet abri est ouvert vers le bas et vers le nord. Bien que les instruments soient protégés du rayonnement direct du soleil, ils ne le sont pas, ou très partiellement, pour le rayonnement indirect, celui produit par le sol et celui produit par le ciel, et notamment par certains nuages. En été par temps clair, ou en présence de cumulus très instables et éclatants, le biais dans la mesure de la température peut s’élever jusqu’à 2°C, voire un peu plus. Les 40,4°C mesurés à Paris sous ce type d’abri le 27 juillet 1947 devaient se situer, en réalité, quelque part autour des 38,4°C.

Ci-dessous, une image de l’abri Montsouris, photographié cette fois-ci à Paris Saint-Maur.


Abri du modèle Montsouris, ici à Paris Saint-Maur (L’aviation civile, une administration dans Paris)

Une variante de l’abri français est l’abri « ouvert » belge. Il a été installé sur le réseau thermométrique belge au moment de sa création, en 1878. Ici et là, c’est déjà l’abri Stevenson qui est utilisé. Vers 1910, ils ont été en grande partie remplacés par des abris à double paroi en zinc. La couche d’air présente entre les deux parois était censée isoler l’abri, mais cela n’a pas bien fonctionné. La surchauffe du zinc a malgré tout faussé les données, si bien que certaines données belges des années 1910 et 1920 sont inutilisables.

Dans le courant des années 1920, ces abris défectueux ont progressivement été remplacés par des abris Stevenson.
À Uccle, des données en parallèle entre l’ancien abri ouvert et l’abri fermé de type Stevenson existent de 1983 à maintenant, si bien qu’il est devenu possible de dresser des tables de correction, permettant de ramener les données de l’abri ouvert à ce qu’elles auraient été sous un abri fermé (homogénéisation).

Ci-dessous, une photo avec en avant-plan, un abri ouvert, et en arrière-plan, deux abris fermés équipés des doubles persiennes actuelles.


Les abris à Uccle (IRM)

L’abri suisse

L’abri suisse ou abri de Wild (Wild’scher Hütte) est également un abri ouvert, mais situé plus haut au-dessus du sol, avec des mesures à une hauteur de 3,2 mètres. Par rapport aux abris français et belge, cela réduit quelque peu le biais observé dans les températures en été, car le thermomètre est moins affecté par le rayonnement émis par le sol. Plusieurs études comparatives entre abris ont été réalisées dès la fin du 19e siècle, avec parfois des résultats quelque peu contradictoires. On peut cependant estimer qu’en utilisant la moitié de la correction par rapport aux abris français et belge, on peut approcher la température telle qu’elle aurait été mesurée sous un abri Stevenson.

Cet abri suisse s’est largement répandu en Allemagne, même si l’abri anglais y est resté majoritaire. À côté de cela, nous avons aussi la méthode de mesure allemande, que nous allons encore expliquer.
Ci-après, un abri de Wild.


Abri de Wild (Schweizerische Meteorologische Anstalt)

L’abri néerlandais

L’abri néerlandais, appelé « la pagode », n’a été installé qu’à De Bilt. Partout ailleurs, les Néerlandais ont opté pour l’abri Stevenson. Comme la station de De Bilt n’a été érigée qu’en 1897, nous ne nous étendrons pas sur ce type d’abri et nous nous contenterons d’une photo, qui permet de deviner pourquoi le terme « pagode » a été utilisé.


Abri « La Pagode » (KNMI)

La méthode de mesure allemande

Les Allemands ont parfois continué à mesurer la température sur un mur de bâtiment orienté au nord mais… en utilisant un petit abri. Cet abri, de forme cylindrique, est également appelé « abri prussien » (Preußisches Thermometergehäuse). La combinaison de cet abri certes imparfait et d’un mur constamment à l’ombre donne toutefois des résultats fort proches de l’abri Stevenson et ne nécessite pas de correction.


Abri de type prussien (Deutsches Meteorologisches Jahrbuch für 1895)

À la suite de ce qui a été dit, pour homogénéiser au mieux les données de 1895 par rapport à celle d’aujourd’hui, nous allons retrancher 1,5°C aux températures maximales françaises et belges au début du mois par ciel serein ou peu nuageux, et retrancher 1,0°C dans les mêmes conditions à la fin du mois. Les journées nuageuses ou couvertes seront analysées au cas par cas, avec comme référence la série d’Uccle, homogénéisée par l’IRM. Pour les températures minimales, la différence liées aux abris est faible. Nous allons cependant rajouter 0,3°C à toutes les valeurs. Par la suite, toutes les températures seront arrondies à l’unité près car il serait illusoire de vouloir reconstruire les données au dixième de degré près.

En d’autres termes, s’il est question, par exemple, de 28°C, il faut lire : 28±1°C. Malheureusement, il nous est impossible d’obtenir davantage de précision pour des données aussi anciennes. Toutefois, nous écrirons « 27 à 28°C » si nous pensons que la température était un peu inférieure à 28°C, et « 28 à 29°C » si nous pensons que la température était un peu supérieure à 28°C.

Pour les données anglaises et néerlandaises, nous n’apportons aucune correction puisqu’elles ont déjà été mesurées sous un abri Stevenson. Pour l’Allemagne, nous n’apportons pas de correction non plus puisque les mesures sous abri Stevenson et sous abri prussien sur le mur nord d’un immeuble sont fort proches les unes des autres (comparaison faite à Aix-la-Chapelle). L’abri de Wild, qui nécessiterait une correction, semble avoir été davantage utilisé dans la partie orientale de l’Allemagne et en Autriche. Ces températures ne seront que peu abordées ici.

Par souci de cohérence, les données anglaises, néerlandaises et allemandes seront aussi arrondies au degré près.


L'année 1895 prise dans son ensemble

Comme déjà évoqué plus haut, deux périodes très chaudes se sont produites en septembre 1895, séparées par un intermède très frais, voire froid. De ce fait, ni la moyenne mensuelle, ni aucune période de trente jours automnale n’a été remarquablement chaude par rapport à la totalité de la série climatologique. Il a fallu attendre 1911 pour avoir une longue période chaude qui sorte vraiment du lot.

Néanmoins ces extrêmes de chaleur, même encore assez ponctuels, indiquaient déjà un changement climatique. Le dernier quart du 19e siècle a été émaillé d’événements tant chauds que froids, qui avaient été plus rares avant. Bien sûr, comme précisé dans le dossier concernant l’été 1911, cela ne veut dire en rien que le climat n’était pas « belge » en cette fin du 19e siècle, avec ses hivers en moyenne assez doux et ses étés en moyenne assez frais, toujours accompagnés de pluies régulières. On était encore très loin des bouleversements climatiques du 21e siècle. Pourtant, l’augmentation de la fréquence de ces extrêmes, encore ponctuels en ce qui concerne la chaleur, marquaient le tout début d’une modification de notre climat.

L’année 1895, en dépit des événements chauds analysés dans le présent rapport, a été plutôt une année froide dans son ensemble. Février 1895, notamment, a été glacial et rivalisait avec décembre 1879. Eh oui, si les événements chauds ont encore été assez ponctuels en cette fin de siècle, les événements froids étaient quant à eux non seulement intenses, mais aussi longs. En début février, la température est descendue jusqu’à –20°C à Zelzate, en région gantoise, et jusqu’à –22°C à Liège. À Ciergnon, le thermomètre affichait en fin de nuit –26°C, Bastogne, Stavelot et le barrage de la Gileppe étaient descendus jusqu’à –27°C, et Ville-du-Bois, près de Vielsalm, même jusqu’à presque –30°C.

Au début mars, cela ne s’arrangeait guère avec encore –24°C à Ville-du-Bois, –23°C à Bastogne et –21°C à Stavelot.

L’été 1895 a été, lui, tout sauf chaud. Il ne serait même pas exagéré de parler d’un été plutôt pourri. En juin, l’insolation était encore relativement bonne, mais les précipitations, abondantes. C’était dû, notamment, à l’orage du 10 juin qui s’était abattu sur le sud de Bruxelles, y déversant 65,8 mm sur Uccle et 63,0 mm sur le Bois de la Cambre (mais seulement 0,8 mm sur le Jardin Botanique de Bruxelles). Sur l’est de la Belgique, on relevait aussi 47,0 mm sur Liège et 42,0 mm sur Bastogne.

En juillet, les pluies étaient plus régulières, mais le temps dans l’ensemble était trop frais, trop humide et trop peu ensoleillé. Le jour le plus chaud, à Uccle, n’a guère dépassé les 25°C. Ce type de temps s’est d’ailleurs poursuivi la première moitié du mois d’août, avec de la pluie tous les jours du 2 au 14 août. Le 10 cependant, en dépit de températures restant modestes, les orages ont été particulièrement violents, avec notamment la tornade dévastatrice de Rixensart.


Maison très endommagée près du chemin de fer (Cercle d’Histoire de Rixensart)

La seconde moitié du mois d’août est, quant à elle, plus anticyclonique et plus sèche. Le mois de septembre, que nous analyserons en détail, a connu comme dit deux périodes très chaudes séparées par une période fraîche. Octobre a renoué avec le froid qui a caractérisé la majeure partie de l’année 1895. Surtout la seconde moitié a été froide, avec déjà des gelées sur presque l’ensemble du pays.

Novembre et décembre n’appellent pas de commentaire particulier. Le premier a été assez doux, le second, assez froid.


Le mois de septembre en détail

Revenons d’abord sur cette seconde moitié d’août plus anticyclonique et plus sèche. Les hautes pressions de ces deux semaines ont pour ainsi dire complètement inhibé les précipitations. À Uccle, sur cette période, il n’a plu que deux jours, le 23 août (0,3 mm) et le 27 août (4,3 mm). C’est le début de l’une des pires périodes de sécheresse que notre pays n’ait jamais connu, et qui contraste fortement avec la période humide qui l’a précédée.

Pour le beau temps par contre, il faudra attendre septembre. Les anticyclones sont en effet encore mal placés par rapport à nos régions, ce qui favorise la persistance de courants de sud-ouest avec un fond de l’air restant humide. Il n’est donc pas étonnant que le ciel soit souvent voilé de cirrus, de cirrostratus et d’altostratus, et on observe aussi fréquemment des cumulus qui tendent à s’étaler ou qui coexistent avec des stratocumulus.

Seuls les 21, 22 et 29 août sont de belles journées. Le 22 est d’ailleurs un prélude à la chaleur qui nous attend en septembre, avec des températures de 30 à 32°C sur une bonne partie du pays. Le 23 août en début de matinée, les températures sont fort élevées sur l’est du pays, avec 24°C à 8 heures, mais elles ne montent guère plus haut en journée à cause du passage d’une faible ligne orageuse, donnant malgré tout lieu à quelques forts coups de vent.

Le 26 août par contre, la nuit est plutôt froide, avec notamment 3°C à Virton et 2°C à Bastogne.

Analysons à présent, jour après jour, ce mois de septembre si extraordinaire.


Émile Claus – Une avenue (1895)

1er septembre 1895

Le noyau de hautes pressions, la veille encore sur la Manche, se déplace vers l’intérieur du continent. Le vent est à présent calme et le ciel, totalement dégagé si l’on excepte quelques cirrus. Les températures maximales, en ce premier jour du mois, se situent se situent autour des 20°C au littoral et autour des 23-24°C à l’intérieur des terres. En France, il fait déjà plus chaud, avec 27-28°C à Paris et 25°C à Nancy. En Alsace, on note des températures du même ordre mais, ne l’oublions pas, l’Alsace est encore allemande à cette époque-là.

2 septembre 1895

L’anticyclone prend une grande extension, de l’Italie à la Scandinavie, ce qui permet à la chaleur tardive de se développer rapidement.


Source : Weekly Weather Reports, Met Office

À Paris-Montsouris, on atteint déjà 30°C, à Paris-Saint-Maur, on y est presque, le tout sous un ciel serein qui ne voile qu’en fin de journée. En Belgique, le temps est très beau aussi, avec des cirrus parfois épais et quelques altocumulus. En soirée, on distingue quelques cumulus. Les températures atteignent 28°C à Bruxelles, 29°C du côté de Liège et jusqu’à 30°C au Hainaut, sous un petit vent de sud-est tournant au sud-ouest. En bordure de mer, le vent souffle d’abord de sud-est aussi et la température monte jusqu’à 27°C, ensuite il fait plus frais sous l’influence d’une brise de mer d’ouest.

3 septembre 1895

À Paris, les conditions deviennent extrêmes pour un mois de septembre. Sous un temps quelque peu brumeux le matin, puis peu nuageux avec juste quelques cirrus, les températures atteignent 34°C au Parc Montsouris et 33°C à Saint-Maur. En Belgique, le ciel est clair aussi, avec quelques cirrus et quelques cumulus l’après-midi, mais les températures sont un peu plus modestes avec 27 à 29°C en Basse et Moyenne Belgique. Plus près de la frontière française, les températures sont plus élevées, avec 33°C à Ciergnon (à une vingtaine de kilomètres de Givet en France) et 32°C à Virton.
Au littoral, la brise de mer est mieux développée et les maxima ne dépassent pas 23°C.


Thomas Alexander Harrison – Marine la nuit (1895 ca)

4 septembre 1895

Un petit creux, se déplaçant de la Mer du Nord à la Mer Baltique, marque une petite pause dans cet été tardif, avec une baisse des températures qui est plus marquée en Belgique qu’en France. À Bruxelles, la température ne dépasse plus les 22°C sous un ciel très nuageux à couvert, avec stratus le matin, laissant voir ensuite un altostratus mêlé d’altocumulus, sous lequel se développent quelques cumulus. Le soir, le voile s’effiloche et les éclaircies reviennent.

À Paris, le voile est beaucoup plus ténu, avec juste des cirrus, puis le ciel redevient déjà serein l’après-midi. Malgré une rotation du vent vers le nord-ouest, les températures restent plus élevées, avec 26°C tant à Saint-Maur qu’à Montsouris. Sur le sommet bien ventilé de la tour Eiffel, il fait à peine 23°C. C’est en Allemagne qu’il fait chaud maintenant, avec près de 35°C du côté de Berlin.

5 septembre 1895

Le beau temps revient déjà. Le creux se trouve désormais sur l’est de la Baltique et ne nous concerne plus. L’anticyclone a un noyau sur la Suisse, qui se déplace vers l’Europe du sud-est.
À Paris, le vent est calme et le ciel, serein après la dissipation du brouillard matinal. Les températures atteignent 27-28°C. À Bruxelles, le vent souffle encore d’ouest à sud-ouest et le temps est plus frais avec 23°C. Le ciel est peu nuageux mais brumeux, avec quelques cirrus et altocumulus. À la mer, il fait plus frais encore avec 20°C et un ciel couvert en matinée. En Campine, on atteint déjà 26-27°C.

6 septembre 1895

Nous sommes englobés dans l’anticyclone, qui peu à peu envoie une importante crête vers la Mer du Nord. Les températures remontent et on redépasse la barre de 30°C à Paris.
Chez nous, le thermomètre affiche près de 26°C presque partout en Basse et Moyenne Belgique. Mais le ciel est fort voilé, avec des cirrus épais et des altostratus mêlés d’altocumulus, qui distillent quelques gouttes de pluie. En dessous, des cumulus se développent l’après-midi. Une fois encore à Paris, le ciel est beaucoup plus clair, avec quelques cirrus et altocumulus, d’où les températures beaucoup plus élevées. Là, la température reste d’ailleurs exceptionnellement chaude en altitude la nuit du 6 au 7. Au sommet de la Tour Eiffel, à un bon 300 mètres au-dessus du sol, la température est de 27°C à minuit, et toujours de 27°C à 3 heures du matin. En surface, il fait beaucoup plus frais pendant ce temps, avec quelques 18-19°C.

7 septembre 1895

C’est la journée la plus chaude pour une bonne partie de l’Europe. À Paris, l’on frise les 35°C tandis qu’on les dépasse à Auxerre. Sinon, on relève encore 35°C au Mans, à Châteauroux et à Macon, 33°C à Besançon, 32°C à Nancy et à Francfort, et plus de 30°C en de nombreuses localités de France, d’Allemagne et de Suisse. C’est tout à fait hors normes pour l’époque.


Carte réalisée par les soins de MeteoBelgique
N.B. Les frontières représentées sont celles de 1895

Sur la carte, on peut bien voir la bulle d’air très chaud sur le centre de la France, avec autour d’elle toute une zone où les températures, grosso modo, décroissent au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la bulle d’air chaud. La Belgique n’est que partiellement concernée par cette chaleur, le nord de l’Allemagne et les Pays-Bas (à l’exception de la région de Maastricht), plus du tout.

La chaleur à Paris s’accompagne, après la dissipation de quelques stratus matinaux, d’un ciel lumineux avec juste quelques cirrus. En Belgique par contre, le temps est très différent. Des orages d’une rare violence affectent la région côtière. Une première vague orageuse, se déplaçant du sud-ouest au nord-est, est signalée à la côte à quatre heures et demie du matin (ce qui correspond à 6h30 avec l’heure d’été GMT+2 de nos jours). On parle d’éclairs tellement fréquents qu’on ne peut les compter et d’un roulement du tonnerre continu. Les précipitations sont abondantes avec 13 mm à Dunkerque, 17 mm à Furnes, 22 mm à Nieuport, 17 mm à Ostende, 13 mm au Coq, 16 mm à Knokke et 13 mm à Flessingue. Ces précipitations concernent aussi quelques stations à l’intérieur des terres (par exemple 15 mm à Maldegem) mais ne dépassent pas (vraiment) la région gantoise. Pourtant des manifestations orageuses sont observées dans une grande partie du pays. À Anvers, par exemple, les orages arrivent vers 5h (7h de nos jours).

Voici un témoignage de cet évènement :
« Le temps – dit-on – d’abord très clair, s’est obscurci subitement ; le ciel est devenu d’un noir d’encre et un vent violent s’est levé, enlevant ou renversant tous les objets de poids relativement faible qu’il rencontrait. Puis, derrière un rideau de nuages noirs, s’est montrée une lueur rouge (provoquée par le soleil levant), comme s’il y avait un gigantesque incendie. Des tourbillons de fumée, de brouillard, de poussières traversaient l’air, tandis que des éclairs striaient le ciel et que le tonnerre grondait. La panique était grande sur l’Escaut, qui soulevait des vagues énormes… »

À Bruxelles, le temps est quelque peu orageux le matin aussi, avec des cumulus très développés et des cirrostratus et altostratus sans doute issus de cumulonimbus lointains. Ce ciel voilé, auquel s’ajoutent encore des altocumulus, persiste en journée avec un ciel qui se refait menaçant au nord-ouest. Quelques gouttes de pluie à 5h30, vers 10h et à 15h donnent au total 0,5 mm au pluviomètre. La température est de 27°C à Bruxelles, de 28°C à Liège, de 29°C du côté du Hainaut et de 24 à 25°C en bordure de mer, après les orages.

8 septembre 1895

Avec un vent ayant tourné au nord à nord-est, il fait plus frais. Il fait plus humide aussi, mais toujours (pratiquement) sans précipitations. À Bruxelles, le temps est gris sous un stratus le matin, puis ce stratus se déchire en fractus, qui évoluent en cumulus, d’abord assez développés, puis se résorbant en s’étalant en stratocumulus. Il fait 23°C. À l’est du pays, il fait plus chaud avec 26 à 28°C. En bord de mer par contre, il fait très frais avec 19°C seulement.

En France, le vent souffle désormais aussi de nord à nord-est, mais le temps reste beau, un peu brumeux le matin puis serein, et les températures baissent à peine. À Paris, on relève 32°C à Montsouris et 31°C à Saint-Maur. À Strasbourg et à Mulhouse, il fait, avec 33°C, même plus chaud que la veille.

9 septembre 1895

Le temps est particulièrement beau à Bruxelles, serein avec juste quelques cirrus à l’horizon. Sous un vent d’est, la température est bien agréable avec 24°C.


Jacques Carabain – Bruxelles, l’impasse de l’Arc-en-Ciel (1895)

À Liège, il fait un peu plus chaud avec 26°C, tout comme du côté du Hainaut. À la mer, on observe 23°C sous un ciel tout aussi serein.
À Paris cependant, où le ciel est serein aussi, il continue à faire chaud avec 31-32°C. En altitude, un vent fort et chaud se met à souffler, avec 25°C au sommet de la Tour Eiffel à 23h30 et des rafales montant jusqu’à 60 km/h.

10 septembre 1895

À Bruxelles et à Liège, c’est la journée la plus chaude avec 29°C. Cela pourrait paraître banal de nos jours, 29°C en septembre, mais pour l’époque, c’était exceptionnel. Il faut savoir qu’entre 1833 et 1885 (plus de 50 ans), la température n’a pas atteint une seule fois les 30°C en septembre à Bruxelles, et même pas 29°C non plus. Le 1er septembre 1886, c’est la toute première (et unique fois) que ces 30°C sont atteints. Et les 29°C du 10 septembre 1895 restent… la deuxième valeur jamais atteinte en septembre à Bruxelles jusqu’à cette date, et ce depuis le début des observations !

En plus de la chaleur, il fait lourd, avec une tendance orageuse qui se dessine de plus en plus. En fait, un creux sur la France crée une ligne de convergence favorisant la formation d’orages. Ceux-ci éclatent en Flandre Occidentale entre 14 et 15 heures (heure d’époque), et entre 15 et 16 heures en Flandre Orientale. À Bruxelles, les cumulus se développent jusqu’au stade congestus l’après-midi, avec formation de cumulonimbus le soir. Il tombe quelques grosses gouttes et des éclairs sont visibles au loin. À Liège, les orages éclatent plus tard le soir, mais sont plus violents, avec la foudre qui met le feu à trois maisons près d’Esneux.

À Paris, le front passe plus tôt, sans orages mais avec une température qui baisse : le maximum de 27°C est atteint en matinée. L’après-midi, sous un ciel voilé de cirrostratus, le thermomètre n’affiche plus que 22-23°C.

11 septembre 1895

Nous entrons dans une autre période. Les températures baissent fortement partout. À Bruxelles, on n’atteint plus que 19°C. On note aussi quelques gouttes de pluie tôt le matin. Par la suite, les fractus se transforment en cumulus qui se développent jusqu’au stade congestus, voire petit cumulonimbus, avant de s’étaler en stratocumulus. L’après-midi, on enregistre à nouveau quelques gouttes d’une petite averse, qui ne donnent cependant aucune quantité d’eau mesurable au pluviomètre.

À la mer, on note temporairement un vent d’ouest à 7 Beaufort. À Paris, la température reste coincée à 22°C sous ciel très nuageux à couvert avec cumulus et stratocumulus. C’est là la première journée grise de ce mois de septembre, après dix jours lumineux, parfois même parfaitement sereins.

12 septembre 1895

18°C à Bruxelles sous un vent d’ouest à sud-ouest ; des cumulus en matinée, qui s’étalement rapidement en stratocumulus. Le soir, le ciel est même uniformément gris et il retombe quelques gouttes, trop peu pour être comptabilisées par le pluviomètre. Malgré le revirement du temps, nous restons sous influence anticyclonique. En effet, un anticyclone atlantique pousse une crête vers la France et nous reprend peu à peu sous son aile. Il ne pleut donc presque pas.

13 septembre 1895

Les hautes pressions s’installent à présent bien à l’ouest de nos régions. Les vents s’orientent au nord-ouest, voire au nord, et les nuages de la Mer du Nord occupent le ciel. Mais il ne pleut toujours pas, ou à peine. À Bruxelles, le ciel est couvert de stratocumulus, doublés de cumulus (fractus). L’après-midi, des éclaircies réapparaissent, toujours avec un mix de cumulus et de stratocumulus. Le maximum atteint 17°C.
À Aix-la-Chapelle, où l’on est plus près des basses pressions, les pluies sont plus conséquentes : on y recueille 5,8 mm. Le temps y est plus frais aussi, avec même pas 15°C au meilleur moment de la journée.

14 septembre 1895

Les vents de nord-ouest persistent, avec un ciel gris couvert de stratocumulus, parfois doublés de cumulus. À nouveau quelques gouttes de pluie. À Bruxelles, la température ne dépasse plus 15°C.


Alfred Parsons – Bassin des nymphéas à Gravetye Manor (1895)

15 septembre 1895

Un petit basculement du vent vers le nord-est en cours de journée nous ramène des éclaircies. Les stratocumulus se disloquent, les cumulus se résorbent, il fait même très beau le soir. À Bruxelles, la température maximale gagne un petit degré avec 16°C.

16 septembre 1895

Le vent reste au nord-est et le temps continue à s’améliorer. Le ciel est quelque peu voilé cependant, avec des cirrus et cirrostratus, et temporairement, des stratocumulus et cumulus occupent encore le ciel. Le soir, il refait très beau. La température maximale, à Bruxelles, atteint 18°C.

17 septembre 1895

Le beau temps hésite à revenir, tout comme le vent, qui après avoir soufflé de nord-est, redevient océanique et souffle de sud-ouest. Le ciel est voilé avec des cirrus et cirrostratus, s’épaississant et évoluant en altostratus. En fin de journée, le voile s’effiloche à nouveau. Avec 20 à 22°C en Basse et Moyenne Belgique, il fait déjà très agréable.

18 septembre 1895

Il refait beau, avec juste quelques cirrus dans le ciel. Mais la composante fort maritime des vents empêche une forte hausse des températures. À Bruxelles, il fait 23°C, à Liège 24°C. À Paris, où le vent est calme et l’influence maritime, donc bien moindre, il refait chaud avec 27°C à Saint-Maur et 28°C à Montsouris sous un ciel parfaitement serein, sauf cirrus au loin. Dans le sud-ouest de la France, les températures redépassent largement les 30°C.

19 septembre 1895

On croyait l’été revenu, mais il y a d’abord un retour de manivelle. L’anticyclone sur la France s’est effondré pendant que les pressions augmentent rapidement sur l’Océan, y recréant un vaste anticyclone. Les vents reprennent donc une composante septentrionale après le passage d’une faible perturbation, matérialisée par des stratocumulus doublés de cumulus. Les températures rechutent, pour ne plus dépasser 20°C à Bruxelles. On relève par ailleurs 0,4 mm de précipitations.

20 septembre 1895

L’anticyclone océanique gonfle et vient s’installer sur les îles britanniques, puis la mer du Nord. Le vent tourne au nord-est, mais l’air reste frais et encore assez humide. Pas mal de stratocumulus encore, doublés de cumulus dans des éclaircies qui se font graduellement plus larges. Avec 17°C à Bruxelles, il fait encore trop frais pour la saison.

21 septembre 1895

L’anticyclone descend vers le Continent et nous ramène le beau temps.


Source : Weekly Weather Reports, Met Office

Le dégagement du ciel est responsable d’une nuit assez froide, avec un thermomètre descendant à 6°C à Bruxelles et à 5°C à Liège. En Angleterre, il fait beaucoup plus froid encore, avec 1°C seulement à Cambridge et 3°C à Oxford.

Le temps est beau avec un ciel serein et des cirrus/cirrostratus à l’horizon. Plus tard en journée, ces cirrus s’approchent quelque peu. L’air reste cependant frais, avec 17°C à Bruxelles. À Paris, où après la dissipation des brumes matinales, le ciel est serein et les températures repartent déjà à la hausse, avec des valeurs de 22-23°C.

22 septembre 1895

La nuit est plutôt froide à nouveau, avec 6°C tant à Bruxelles qu’à Liège. Mais en journée, le soleil brille dans un ciel tout à fait serein sur l’ensemble du pays. Avec un anticyclone centré sur la partie orientale de l’Allemagne (de l’époque), l’arrivée d’air frais est désormais coupée et les températures remontent. À Bruxelles, on repasse la barre des 20°C et à Liège, on atteint déjà 22°C. La France renoue avec la chaleur : 26°C à Paris et 30-31°C du côté de Bordeaux.

23 septembre 1895

À nouveau, le ciel est serein sur tout le pays. Avec 25°C à Bruxelles et 26°C à Liège, il fait un « temps d’été » on ne peut plus agréable.


Émile Claus – Soir d’été en Belgique (1895)

À Paris, sous un ciel tout aussi lumineux (juste quelques cirrus au-dessus de la capitale française), les températures atteignent déjà 29 à 30°C (le plus à Montsouris). Mais en Angleterre aussi, les thermomètres affichent des valeurs inhabituelles pour la saison, avec 25 à 26°C à Londres, Oxford et Cambridge.

24 septembre 1895

Toujours un temps aussi splendide. Quelques cirrus et cirrostratus apparaissent au nord-ouest du ciel bruxellois. « Il fait plus chaud qu’en août – lit-on dans la Gazette de Charleroi – et la sécheresse devient inquiétante. Aux terrasses des cafés, le soir, on reste jusqu’à des heures invraisemblables à goûter un peu de fraîcheur. »

À Bruxelles, la température atteint 27°C, mais il fait plus chaud dans le Hainaut, avec près de 29°C. À Londres, le thermomètre affiche d’extraordinaires 30°C ! À Paris, on monte jusqu’à 31°C, mais avec une tendance orageuse et des éclairs visibles au loin le soir. Au sommet de la Tour Eiffel, le vent de sud-est tourne le soir à l’ouest et se met à souffler par petites rafales tièdes. Il y fait encore 24°C à minuit, et la rotation du vent n’entraîne aucune baisse de la température.

Aux Pays-Bas par contre, il n’y a que Maastricht où la chaleur parvient à s’imposer (28°C). À Tilburg, il ne fait que 24°C et à Utrecht, 22°C. Il est fort possible, d’ailleurs, que l’extrême nord de notre pays n’ait pas atteint les 25°C non plus.

25 septembre 1895

Il fait 28°C à Bruxelles et à Liège. À Bruxelles (Uccle), où nous disposons d’une série homogénéisée par l’IRM, la valeur est de 28,1°C. C’est un record pour la troisième décade de septembre, qui n’a toujours pas été battu, du moins pas à l’heure où ces lignes sont écrites. La deuxième valeur, de 27,8°C, appartient au 21 septembre 2003, la troisième, de 27,6°C, appartient au 21 septembre 2006.

En ce 25 septembre 1895, le temps est serein et lumineux sur tout le pays. À la mer, une faible brise de mer venant du nord limite la température à 24-25°C. À paris, il fait dans les 30°C. À Londres et à Cambridge, le thermomètre indique 28°C. En Allemagne, il fait 29°C à Aix-la-Chapelle, tout comme à Bamberg, mais la température baisse rapidement en allant vers le nord : à Brême, le maximum ne dépasse pas 18°C pendant qu’à Hambourg, il ne fait pas plus de 16°C !

Aux Pays-Bas, on approche les 30°C à Maastricht, mais il ne fait « que » 26°C à Utrecht.


Carte réalisée par les soins de MétéoBelgique

Une fois encore, la bulle d’air chaud se trouve sur le centre de la France. Les températures qui baissent assez rapidement vers le nord sont liées à un régime d’inversion. Le soleil de fin septembre, au nord de nos latitudes, n’est plus assez puissant pour résorber (complètement) l’inversion en journée. Selon les réanalyses de la NOAA, les températures au niveau 850 hPa se situeraient encore vers les 12°C au-dessus de la zone fraîche du nord-est où les températures en surface ne dépassent pas 20°C. On y signale par ailleurs du stratus le matin, qui parfois ne se dissipe que lentement, mais suivi d’un ciel serein ou peu nuageux l’après-midi. On se trouve là très près du noyau de l’anticyclone.

Si l’on considère la situation atmosphérique générale, l’Europe presque toute entière est englobée dans une situation de hautes pressions, qui est par ailleurs fortement appuyée par des pressions hautes en altitude aussi. En été, on parlerait d’un véritable dôme de chaleur, mais là en fin septembre, le soleil n’arrive plus à répercuter partout cette chaleur dans les basses couches. C’est en France et en Angleterre, surtout, que les températures sont vraiment hors normes pour la saison. Le fait de se trouver en bordure des hautes pressions permet une meilleure propagation des courants méridionaux, ce qui fait que mêmes aux latitudes relativement hautes de l’Angleterre du Nord, les inversions parviennent à se résorber en journée.

À Paris, où l’inversion se résorbe encore bien en journée, elle se reforme toutefois rapidement en fin d’après-midi, pendant que l’air reste encore longtemps chaud à faible altitude. Au sommet de la Tour Eiffel, il fait encore 24°C vers 23 heures tandis que le vent atteint des vitesses de 50 km/h. C’est le maximum de vent nocturne que l’on rencontre souvent juste au-dessus d’une inversion. En surface à ce moment-là, la température est déjà descendue jusqu’à 18°C.


Pier Carlo Parvopassu, Paris la nuit (1895 ca)

26 septembre 1895

Il continue à faire beau et chaud, avec un ciel parfaitement serein. On parle cependant de plus en plus d’un air poussiéreux, en raison de la sécheresse persistante. « Aux champs on attend, avec une impatience fiévreuse, qu’il pleuve. Vit-on jamais impatience de ce genre en automne sur notre climat ? Et quelle poussière ! Les véhicules et les bestiaux se rendant au pâturage soulèvent des nuages de poussière aveuglante hauts comme des maisons. » (Journal de Bruxelles, 26 septembre 1895.)

À Bruxelles et à Liège, la température atteint toujours 28°C, tout comme à Aix-la-Chapelle et Strasbourg en Allemagne (eh oui, Strasbourg était en Allemagne à l’époque), ainsi qu’à Cambridge et Oxford en Angleterre. À Paris, il continue à faire plus chaud avec 30°C à Saint-Maur et 31°C à Montsouris ! À noter que chez nous, dans la ville de Spa (station météo située à 240 mètres d’altitude à l’époque), la température a frisé les 30°C pendant trois jours consécutifs.

27 septembre 1895

Quelques cirrus réapparaissent dans le ciel bruxellois, qui mènent même à un ciel quelque peu voilé le soir. Avec 26°C, il y fait un brin plus frais. Au Hainaut par contre, il fait toujours 28°C. À Londres, il fait 29°C ; à Paris 31°C. De telles températures, en 1895, font la manchette des journaux. « Consolons-nous, nous ne sommes pas seuls à souffrir de la chaleur – lit-on dans La Métropole –, le thermomètre se livre à Londres à des fantaisies tout aussi fantastiques qu’ici, et il paraît que depuis 1841, on n’avait jamais eu aussi chaud dans la capitale de l’Angleterre ».

28 septembre 1895

À Bruxelles, la chaleur s’en va peu à peu mais le ciel reste lumineux. Juste un petit voile de cirrus et cirrostratus du côté sud. À Paris, c’est au nord qu’on les voit, ces cirrus. Les températures sont de 24°C à Bruxelles, de 26°C du côté du Hainaut et encore de 29°C à Paris. En Angleterre, il continue à faire chaud aussi, avec 27°C à Oxford et Cambridge, et 28°C à Londres. Très étonnant aussi : les 29°C qu’on observe depuis deux jours sur l’île de Jersey.

En Allemagne du nord et du nord-est, il refait plus doux aussi, avec souvent 22 à 23°C.

Sur une grande partie de l’Europe, le régime reste parfaitement anticyclonique et, selon les réanalyses de la NOAA, les températures à 850 hPa restent très élevées pour la saison, de l’ordre de 16 voire 17°C sur la France et la Belgique, et encore de 15°C sur le nord de l’Allemagne. Mais le soleil de plus en plus bas commence à avoir du mal à faire monter – proportionnellement – les températures aussi haut en surface.

29 septembre 1895

Il fait 24°C du côté de Bruxelles et du Hainaut, 26°C du côté de Liège. À Paris, cela diminue lentement, mais il fait encore 28°C. En Angleterre, cela commence à diminuer aussi, mais avec près de 25°C, cela reste exceptionnel pour la saison.

À Bruxelles, à Paris, à Aix-la-Chapelle, le ciel est à nouveau parfaitement serein. Mais l’anticyclone, tout doucement, commence à présenter des signes de faiblesse, et les températures en altitude diminuent aussi.


Le boulevard Anspach et la place De Brouckère (Bruxelles) en 1895

30 septembre 1895

En Belgique, l’été s’accroche. Par endroit, les températures remontent même un peu. Presque partout en Basse et Moyenne Belgique, il fait 24 à 25°C. De telles températures à la fin septembre, pendant une durée aussi longue, seraient même encore remarquables de nos jours. Au cours des années récentes, seul 2011 nous présente quelque chose qui y ressemble un peu.

Le ciel, en ce 30 septembre 1895, garde toute sa lumière. À côté de quelques cirrus, des cumulus, aussi, ont fait leur réapparition. À Paris, après une journée encore ensoleillée et chaude (27°C), d’importants bancs d’altocumulus envahissent le ciel le soir et annoncent la fin du beau temps.

Début octobre 1895

Octobre, en cette année 1895, est presque l’opposé de septembre : pluvieux et frais. Le 1er octobre en Belgique, et parfois encore le 2 dans certains de nos pays limitrophes, le temps est encore relativement beau et plutôt chaud pour la saison. Par après, le revirement est total. Du 2 au 6 octobre, de nombreuses régions de Belgique recueillent autant de pluie que pendant l’ensemble d’un mois d’octobre normal. Quelques chiffres : 68 mm à Charleroi, 70 mm à Dinant, 84 mm à Bouillon, 98 mm à Florenville. L’extrême sécheresse de septembre a été bien vite compensée en 1895.

Mais pour une fois, c’est loin de déplaire aux Belges. De Bruxelles, on nous écrit : « La pluie fine et persistante qui est tombée pendant toute la journée de mercredi [2 octobre] a été accueillie comme rarement la pluie – trop connue, hélas ! – l’est chez nous : avec une satisfaction presque générale.

« Après un phénomène aussi extraordinaire que l’est en Belgique une période de sécheresse d’environ six semaines, le fait n’a rien d’étonnant : non seulement les campagnards réclamaient de l’eau pour leurs légumes assoiffés et rôtis, mais les citoyens eux-mêmes souffraient de l’incroyable poussière, toute peuplée de germes et de microbes dangereux, qui depuis bien des jours couvrait Bruxelles d’un épais nuage et pénétrait partout, au grand dam de l’hygiène et de la santé. »

À Paris, la pluie arrive aussi le 2 octobre. Après un matin presque chaud sous un ciel pourtant couvert, avec déjà 21°C à 9 heures du matin, la pluie arrive alors que le vent tourne à l’ouest en se renforçant, et les températures sont en chute libre : plus que 12°C à 11 heures, et même pas 15°C l’après-midi !


Photo d’Alfred Steiglitz – Un jour de pluie à Paris (1894 ou 1895, selon les sources)


Conclusion

Le mois de septembre 1895 termine, à Uccle, sur une température moyenne de 16,8°C (série homogénéisée), un record pour l’époque mais maintes fois battu depuis, une première fois en 1929. Le record appartient à septembre 2023 avec 18,8°C, suivi de 2006 avec 18,4°C.

Si l’on considère les périodes de 30 jours les plus chaudes, en automne, cela ne change pas grand-chose. La chaleur tombe presque pile poil dans le mois calendrier. La période de 30 jours du 2 septembre au 1er octobre, avec 16,9°C, n’est qu’un fifrelin plus chaude. En 2023, la période de 30 jours (entièrement située en automne) la plus chaude, du 3 septembre au 2 octobre, donne pratiquement la même moyenne que le mois de septembre : 18,8°C (à quelques centièmes de degré près). 1895, sur ce critère-là aussi, se retrouve donc loin derrière. On n’est pas encore en été 1911, où la période de 30 jours la plus chaude peut presque rivaliser avec les périodes de 30 jours les plus chaudes actuellement.

À Paris par contre, la moyenne mensuelle de septembre 1895, même après homogénéisation (20,1±0,1°C), reste en deuxième position de toute la série climatologique du Parc Montsouris, qui va de 1873 à maintenant. Seul le mois de septembre 2023 (21,4°C) a fait encore mieux. La moyenne des maxima (26,7±0,2°C, toujours après homogénéisation), occupe même la première place de la série, après les 26,3°C de septembre 2023. C’est dire le degré d’exceptionnalité de cette chaleur de septembre. En effet à Paris (et de façon générale dans le centre de la France), les deux périodes chaudes, du début et de la fin du mois, ont été bien plus intenses qu’en Belgique, et la période fraîche entre les deux, bien moins marquée.

Mais pas plus qu’à Bruxelles, 1895 n’aura pas encore réussi à donner une période de chaleur de très longue durée comme en 1911, où la chaleur a par ailleurs débordé sur septembre aussi.

En matière de sécheresse, septembre a été plus extrême encore. Paris n’a reçu aucune goutte de pluie, Bruxelles a dû se contenter de 1,5 mm dans son pluviomètre. À Gembloux, on n’a mesuré que 1,2 mm ; à Maredsous, 1,0 mm ; à Thuillies, 0,8 mm et à Chimay, 0,5 mm. Bastogne et Virton ont fait comme Paris : 0,0 mm de précipitations sur tout le mois.

L’ouest du pays a fait un peu mieux, grâce à un seul jour orageux, en l’occurrence le 7. Au phare d’Ostende, on a recueilli 23,0 mm ; dans la ville d’Ostende, 21,5 mm ; à Furnes, 19,0 mm et à Maldegem, 18,0 mm.
La sécheresse a en fait duré du 15 août au 1er octobre, avec à Uccle 6,1 mm sur 47 jours. Mais le restant de l’année 1895 a été assez bien pluvieux, si bien que la moyenne annuelle est proche des normales. Ici aussi, on est très loin de la grande sécheresse de 1921, où le déficit en eau, sur l’ensemble de l’année, était énorme.

N’empêche. Le climat a commencé à bouger, en cette fin du 19e siècle. Ce qui était « très rare » jadis était simplement devenu « rare », même si dans l’ensemble, notre climat avait encore ses caractéristiques bien belges. Mais ce premier petit changement était déjà perceptible dans les statistiques : oui, le climat s’était déjà réchauffé un peu.


Source : CLIMAT.BE


Sources

- Site « CLIMAT.BE »
- Ciel et Terre : Revues climatologiques mensuelles par A. Lancaster, janvier à décembre 1895
- Annales de l’Observatoire Royal, année 1895
- Annales du Bureau central météorologique de France, année 1895
- L’Observatoire du Parc Saint-Maur : Historique 1879-2020
- Deutsches Meteorologisches Jahrbuch für 1895, Jahrgang I (1895)
- Deutsche Meteorologische Gesellschaft : Meteotologische Zeitschrift, 1884
- MeteoSchweiz : Homogenisierung langer Klimareihen, dargelegt am Beispiel der Lufttemperatur
- KNMI : Antieke waarnemingen
- KNMI : Pagodemetingen in De Bilt, par T. Brandsma
- Met Office : Daily Weather Reports 1895
- International Journal of Climatology : Quantifying exposure biases in early instrumental land surface temperature observations, par E.J. Wallis, T.J. Osborn, M.Taylor, P.D. Jones and M. Joshi
- Infoclimat : Observations Tn, Tx, RR 1881-1999
- Kachelmann Wetter : Messwerte & Kimadaten mit Archiv ab dem Jahr 1781
- KBR BelgicaPress
- Région de Bruxelles-Capitale : Inventaire du patrimoine mobilier
- Antikeo
- Musée des Beaux-Arts, Quimper
- Musée d’Orsay
- Wikimedia Commons

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